Selon une nouvelle étude de l’institut Vias menée auprès de 700 utilisateurs[1], l’installation de l’éthylotest antidémarrage provoque une prise de conscience auprès d’une majorité de contrevenants qui adaptent immédiatement leur comportement. De ce fait, le pourcentage de souffles positifs est inférieur à 2%. Le système est par ailleurs très fiable puisque seul 1 test sur 2500 s’est avéré être une tentative de fraude. Bref, 4 ans après l’entrée en vigueur de la loi, le bilan est positif, même si l’étude met aussi en avant quelques éléments empêchant un plus grand usage de ce système, tels que son coût et son manque de flexibilité.

Pendant plus de 2 ans, l’institut Vias a réalisé une étude auprès de juges et de 708 utilisateurs condamnés à l’installation d’un éthylotest antidémarrage. L’objectif était double :

  • examiner dans quelle mesure le programme est réellement appliqué par les juges et quels sont les obstacles à une application plus importante encore ; 
  • évaluer l’efficacité et la fiabilité du système et émettre des recommandations pour l’améliorer.

Une suspicion de fraude dans 0,04% des souffles

Les tentatives de tromper le système sont extrêmement rares et sont surtout le fait d’une toute petite minorité de conducteurs. Elles ont été détectées dans 0,04 % des souffles, c’est-à-dire un souffle sur 2500. Il s’agissait de candidats qui ont pu démarrer leur voiture mais dont le deuxième souffle après quelques minutes était positif. On soupçonne alors qu’une autre personne sobre ait soufflé dans l’éthylotest afin de pouvoir démarrer le véhicule (le système demande un souffle au démarrage et un autre dans les 20 minutes).

Quasi la moitié de ces tentatives ont été effectuées par moins de 2% des conducteurs, la plupart des jeunes de 18 à 24 ans. Dans pareil cas, ces personnes doivent évidemment rendre des comptes à la personne chargée de leur encadrement.

Souffle positif dans moins de 2% des tests

La majorité des contrevenants obtiennent des résultats relativement bons dès le départ. Cela signifie qu'ils ont déjà modifié leur comportement au moment où ils ont commencé à rouler avec l’éthylotest antidémarrage. Il n’est donc pas étonnant que les candidats aient un souffle positif dans moins de 2% de leurs essais. Et dans près de 75% de ces cas positifs, aucune infraction n’aurait été constatée en cas de contrôle de police. En effet, l’éthylotest antidémarrage est réglé sur 0,2‰ tandis que le taux légal punissable est 0,5‰.

Pour d’autres candidats, la prise de conscience se fait un peu plus tard. En effet, certains sont surpris au début du programme d’être encore positifs le lendemain d’une soirée arrosée par exemple. Ce déclic se perçoit dans les entretiens avec les psychologues. Et la fréquence des souffles positifs baisse alors au fur et à mesure de l’avancée du programme.

86% d’hommes

Les hommes sont largement surreprésentés parmi les personnes condamnées à l’installation d’un éthylotest antidémarrage. Ainsi, l’échantillon analysé dans le cadre de cette étude était composé de 86% d’hommes. Dans plus d’1 cas sur 4 (28%), il s’agissait de jeunes de moins de 35 ans.

On constate par ailleurs une grande disparité entre les Régions : 84% des participants habitent en Flandre. En Wallonie, les juges sont souvent d’avis qu’une infraction unique, même très lourde, peut être due à un « égarement passager » qui ne présage pas nécessairement d’une future récidive. La loi leur donne alors la possibilité de ne pas obliger le contrevenant à installer l’éthylotest antidémarrage à condition de motiver leur décision.

Ils utilisent alors la possibilité offerte par la loi de ne pas condamner à l’éthylotest antidémarrage en motivant leur décision.

Les juges pointent le caractère trop contraignant et le coût du système

Malgré l’efficacité de l’éthylotest antidémarrage, certains juges sont réticents à y avoir recours, et ce pour deux raisons principales : les critères d’application de la peine trop contraignants et le coût du système.

Un éthylotest antidémarrage doit en principe toujours être imposé en cas de récidive (contrôlé 2 fois en 3 ans avec un taux d’alcool de 1,2‰), ainsi qu’en cas de condamnation pour la 1re fois à partir d’1,8‰. Lorsqu’un conducteur est contrôlé pour la première fois avec une forte concentration d’alcool, le juge peut déroger à cette obligation à condition de motiver sa décision explicitement. Bon nombre de juges voient d’un mauvais œil ce qu’ils perçoivent comme une réduction de leur capacité à opter pour la peine la plus adaptée en fonction du contexte propre à chaque infraction. L’automatisation de la peine les empêche de tenir compte de la situation socioéconomique de la personne, des explications qu’elle donne à propos de son infraction, de sa tendance à potentiellement réitérer un tel acte…

Le prix de l’ensemble du dispositif est également considéré comme un frein par certains juges. En effet, le montant total à débourser se situe entre 3500 € et 4000 € pour une peine d’un an (achat du système, installation, téléchargement des données et encadrement par des psychologues). Mais deux changements pourraient contribuer à diminuer le prix de l’éthylotest antidémarrage. D’abord, un règlement européen prévoit que les nouveaux modèles de véhicules soient équipés d’une interface qui facilite le montage d’un éthylotest antidémarrage, ce qui devrait diminuer les coûts d’installation. Enfin, un 2e acteur est arrivé sur le marché tandis qu’un 3e vient de commencer le processus d’homologation, ce qui pourrait créer une concurrence poussant les prix vers le bas.

Pour Georges Gilkinet, ministre fédéral de la Mobilité, « l’amélioration de la sécurité routière est une priorité absolue pour moi en tant que ministre de la Mobilité et tout ce qui peut y contribuer est le bienvenu. Il faut oser innover, mais il faut également prendre le temps d’évaluer et d'améliorer les dispositifs en place, comme l’éthylotest antidémarrage. Quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi, nous pouvons désormais affirmer sur base de l’étude de Vias que le bilan est positif. Néanmoins, il reste des freins à une utilisation plus importante de cet outil de sécurité, que je vais m’attacher à lever. Pour protéger encore mieux, l’éthylotest antidémarrage sera, à l’avenir, plus accessible financièrement et plus souple dans son fonctionnement ».

Les 5 recommandations de l’institut Vias pour améliorer le système

  • Réduire le coût

L’entrée en jeu d’un 2e voire d’un 3e acteur va probablement tirer les prix vers le bas. Mais d’autres moyens de réduire les coûts sont aussi envisageables. Ainsi, diminuer la fréquence des rendez-vous en cas de signes encourageants devrait être possible. La généralisation d’une version plus « légère » de l’éthylotest antidémarrage est également une idée à explorer. Cette version plus légère ne comporterait pas de contrôle systématique des données ou de « retests » obligatoires pendant le trajet.

  • Diminuer le délai entre le jugement et l’infraction

Condamner un contrevenant à utiliser un éthylotest antidémarrage 6 mois ou 1 an après son infraction nuit à la sécurité routière (entre-temps, il peut toujours conduire avec son permis normal) et à la plus-value pédagogique du système. Il s’agit cependant d’un problème propre à la justice en général. Une possibilité légale permettant d’écarter de la circulation les conducteurs les plus dangereux en attente de leur jugement serait sous doute à discuter.

  • Rendre le dispositif d’encadrement plus flexible

L’encadrement tel que prévu par l’arrêté royal est rigide et n’offre pas l’opportunité aux psychologues de s’adapter aux spécificités de chaque participant. La fréquence des rendez-vous d’encadrement auprès des psychologues pourrait être davantage modulable en fonction du comportement du participant. Elle serait augmentée pour les cas les plus problématiques afin de permettre le suivi le plus efficace possible ou à l’inverse diminuée pour les cas les moins problématiques.

  • Améliorer certains aspects fonctionnels

Certains participants ont émis des critiques sur des aspects purement fonctionnels liés au système qu’il conviendrait d’améliorer. Ceci concerne principalement le système de « retest » dont la fréquence est trop élevée. La fréquence des « retests » pourrait être réduite, tout en les rendant plus aléatoires. Cela permettrait des périodes plus longues et plus nombreuses sans nouveau test, suivies d'une période de tests éventuellement plus nombreux.

  • Revoir les critères d’éligibilité

L’application obligatoire et décontextualisée de la peine ne plaît pas à certains juges. C’est pourquoi il serait intéressant de travailler sur des indicateurs définissant ce qu’est une « consommation problématique d’alcool » pouvant être adéquatement sanctionnée par l’éthylotest antidémarrage. Aujourd’hui, cette notion est encore trop vague. Il serait par ailleurs pertinent d’examiner si la prise en compte des facteurs sociaux et personnels est possible.

Conclusion

Près de 1200 conducteurs roulent actuellement dans un véhicule équipé d’un éthylotest antidémarrage à la suite d’une condamnation devant le tribunal de police. Il s’agit indéniablement d’une mesure efficace et fiable comme le montre cette étude. L’impact sur la sécurité routière est évident et le nombre de tentatives de fraude est très faible. Aux Pays-Bas, une étude a par ailleurs permis de montrer que le taux de récidive des personnes condamnées à l’éthylotest antidémarrage était, après démontage de l’appareil, 3 fois moins important que pour les conducteurs ayant reçu une peine classique. Donc, même une fois le programme terminé, l’éthylotest antidémarrage continue d’avoir des effets bénéfiques.

Il est toutefois indispensable d’améliorer le système car certains juges sont aujourd’hui réticents à l’utiliser. Le coût et le manque de flexibilité du programme doivent être améliorés en priorité. Le jeu en vaut toutefois la chandelle : si personne ne conduisait en Belgique avec une alcoolémie supérieure ou égale à 0,5 ‰, 115 vies seraient épargnées chaque année sur nos routes.

 Un film de 5' reprend le témoignage de deux conducteurs ayant installé l'éthylotest antidémarrage:

[1] L'étude peut être consultée sur https://www.vias.be/fr/recherche/publications/: De Vos, N., & Tant, M. (2023). Évaluation ex post de la législation éthylotest antidémarrage, Bruxelles : Institut Vias.

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